Décidément, l’année 2018 s’avère riche en annonces déstabilisatrices pour les crypto-monnaies. Après toutes les péripéties que nous avons connues durant ces dernières semaines, c’est au tour de Bloomberg de plomber l’ambiance en publiant un article dévoilant une citation à comparaître envoyée à l’adresse de Bitfinex et de sa crypto-monnaie, Tether. Tempête dans un verre d’eau ? Réel problème ? Faisons le point sur ce que l’on sait.
Citation à comparaître de Bitfinex : les faits
Avant de rentrer dans le vif du sujet, signalons que la citation à comparaître envoyée aux sociétés qui gèrent Bitfinex et Tether par la CFTC, le régulateur américain, date du… 6 décembre 2017. Cela fait donc presque 2 mois. On peut tout de même se questionner sur le timing de la publication de cette « révélation » pas très fraîche de la part de Bloomberg.
Il n’empêche que la nouvelle qui ne l’est pas vraiment, comme on pouvait s’y attendre, a fait à nouveau tanguer le complexe des crypto-monnaies, qui commençait tout doucement se redresser après avoir pris l’eau de toute part. De son côté, Bitfinex a simplement fait savoir qu’elle faisait régulièrement l’objet de procédures juridiques et de demandes d’informations légales, et que leur politique est de ne pas commenter ces demandes.
Rien à signaler, donc ? Pas vraiment, car cela ne balaie pas les accusations qui pèsent sur Bitfinex et Tether. S’il n’y a pas encore de preuve de fraude, de nombreux éléments concrets doivent au minimum susciter la méfiance. C’est en tout cas mon opinion, et je vous explique pourquoi.
Bitfinex, une société peu transparente
Il ne faut pas se raconter d’histoires, le secteur des plates-formes de crypto-monnaies est encore naissant, donc mal ou pas régulé. C’est la porte ouverte aux fraudes et à l’amateurisme. Mais parmi les bourses, il y a les acteurs en qui on peut avoir relativement confiance et ceux qui sont vraiment douteux. La transparence est l’un des ingrédients de la confiance. Elle n’a manifestement pas été incluse dans la recette, pourtant à succès, de Bitfinex. Par exemple, vous ne trouverez nulle part sur le site de la plate-forme le nom de la société qui la gère, dans quelle juridiction elle est implantée, ses référence bancaires. Il aura même fallu la fuite des Paradise Papers pour connaître les noms de certains dirigeants, comme celui du directeur de Tether, Phil Potter. Cette opacité n’est pas rassurante.
Des banques qui, tour à tour, jettent l’éponge
Le rythme auquel la firme change de banque est un autre signal inquiétant concernant Bitfinex. Wells Fargo a notamment décidé de ne plus accepter la plate-forme parmi ses clients l’année dernière. Aux dernières nouvelles, elle utilise un compte en banque ING aux Pays-Bas après avoir eu recours aux services d’une petite banque polonaise. Ce manège bancaire ne prouve rien, mais il est tout de même curieux.
Tether : les réserves en dollars existent-elles vraiment ?
Le gros nuage qui plane au-dessus de la tête de Bitfinex, c’est sa devise maison, Tether. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec USDT, l’idée est simple : il s’agit d’une crypto-monnaie dont la valeur est arrimée au dollar. Un USDT correspond à un dollar. Vous êtes en principe en mesure d’échanger 1 USDT contre 1 dollar. Ce qui signifie que l’émetteur doit détenir des réserves en dollars qui correspondent au centime près au nombre de tokens USDT émis.
En théorie, tout cela est parfait, sauf que la preuve de ses réserves est inexistante. De plus, les émissions d’USDT ont littéralement explosé durant ces dernières semaines. Tether était en train de faire produire un audit indépendant par la société Friedman LLP, mais il a été annulé suite à la dissolution du contrat entre les 2 entreprises. La décision a été justifiée via le communiqué suivant :
« Nous confirmons que la relation avec Friedman est dissoute. Vu les procédures terriblement détaillées utilisées par Friedman pour analyser les livres relativement simples de Tether, il était devenu clair que la finalisation de l’audit n’allait pas être possible dans un délai raisonnable. Vu que Tether est la première société de cet écosystème à faire l’objet d’une telle procédure et à vouloir atteindre un tel niveau de transparence, il n’y a aucun précédent pour guider la procédure, ou un benchmark permettant de mesurer son succès. »
À ce propos, je suis d’accord avec Bitfinex, la procédure devrait être simple : l’argent est-il là, ou pas ? Pourquoi cela prend-il autant de temps ? CoinDesk a voulu en savoir plus du côté de chez Friedman, mais la société d’audit n’a pas daigné répondre aux sollicitations du média.
En conclusion : le flou règne
Pour l’instant, il n’y a que de lourdes suspicions qui pèsent sur Bitfinex et Tether. La présomption d’innocence est l’un des principes élémentaires du droit. Cela dit, les éléments en notre possession me font dire qu’il vaut mieux être prudent avec ces 2 acteurs. Avant l’implosion de Mt Gox, de nombreuses rumeurs ont circulé également.