Investir dans les crypto-monnaies présente des risques. Il y a parmi ceux-ci leur éventuelle interdiction, de peur que le monopole monétaire des États soit remis en question. Si ce risque est bien réel, il y a néanmoins d’autres arguments qui plaident en faveur de l’adoubement des crypto-devises par nos dirigeants. Les voici.
Le risque de bannissement est réel
Pour comprendre le risque de bannissement des crypto-monnaies par les États, il faut avoir une compréhension de l’économie mondiale et des politiques monétaires qui sont conduites par les banques centrales depuis la crise de 2008. En bref, les banques centrales ont dû injecter de grandes quantités de liquidités dans le système financier mondial pour maintenir l’économie à flot depuis la chute de Lehman Brothers. Les taux ont été abaissés à des niveaux planchers, et même en territoire négatif du côté de la BCE.
Aujourd’hui, les banques centrales tentent de relever les taux et de vendre une partie des actifs qu’elles ont achetés pendant leurs assouplissements quantitatifs qui visaient à soutenir les marchés. Le but du démantèlement de ces politiques est de constituer un stock de munitions pour combattre la prochaine récession. Le souci est que l’endettement, déjà massif à l’époque, s’est creusé depuis 2008, si bien que l’inversion des politiques accommodantes conduites durant ces dernières années pourrait déboucher sur un remake de la crise.
Parmi les solutions envisagées par les économistes pour la combattre, il y a les taux négatifs couplés à la généralisation de l’argent électronique pour prévenir l’accumulation de liquide. Une telle politique signifie qu’au lieu de percevoir des intérêts, on vous prélèverait de l’argent sur votre compte en banque. Mais comment cette politique pourrait-elle être efficace si les particuliers peuvent convertir leur devise nationale en Bitcoin ? C’est le risque.
Mais, d’un autre côté, les gouvernements auraient beaucoup à perdre en bannissant en bloc les crypto-devises. Car outre les cryptos purement monétaires comme Bitcoin ou Litecoin, il existe aujourd’hui une myriade de tokens qui facilitent l’émergence d’une nouvelle économie.
Les jetons, des vecteurs de croissance
Si vous êtes passionné par les ICO comme je le suis, vous aurez noté la tendance. Aujourd’hui, l’immense majorité des projets basés sur la chaîne de blocs proposent de développer de nouveaux secteurs économiques, ou de reprendre des concepts anciens (la banque, par exemple) et de les développer sur un registre distribué. Les projets de cryptos « old school » qui visent à être un simple moyen de paiement sont désormais très rares. Je pense qu’il y a deux raisons derrière cette tendance : l’encombrement de cette niche, et le risque de bannissement de tels projets.
Prenons l’exemple de Sharpe Capital. Ce projet utilise les fonds collectés par l’ICO pour créer un fonds d’investissement couplé à une plate-forme permettant de jauger le sentiment des investisseurs par rapport à certains titres. Chaque mois, on demande aux porteurs de jetons Sharpe de déterminer si le cours d’une action va grimper ou baisser en fonction de la couverture médiatique de la société concernée. Ces données sont revendues et les porteurs des jetons sont rémunérés en fonction de la quantité de prédictions faites et de leur degré d’exactitude. Sans la chaîne de blocs, ce projet serait soit impossible à mettre en œuvre, soit non rentable. Si les États devaient prendre la décision de bannir unilatéralement toutes les crypto-monnaies, ils se priveraient d’un vecteur de croissance dont la planète a grandement besoin en raison des effets néfastes de la mondialisation et de l’automatisation sur l’emploi et la croissance.
Crypto-devises : ce qui pourrait séduire les gouvernement
En tant que monnaie, les cryptos pourraient même permettre aux gouvernements d’atteindre certains de leurs objectifs, et donc devenir un allié plutôt qu’un ennemi. Comme vous le savez, toutes les transactions sont publiques. Si les États imposent aux titulaires des adresses de portefeuille de s’identifier, ils pourront suivre tous les flux monétaires en toute facilité. Leur grand projet de Big Brother, déjà en marche, serait ainsi grandement facilité.
Que va-t-il advenir des crypto-monnaies ?
Bien malin celui qui parviendra à prédire ce qu’il adviendra des crypto-monnaies dans quelques années. On peut tout de même jouer aux Irma ! Voici mon scénario sur la base des informations dont nous disposons actuellement…
- Les crypto-monnaies pures et dures qui permettent d’effectuer des transactions anonymes et qui refusent de supprimer ces fonctionnalités (privacy coins comme Monero, Dash, etc.) seront bannies. Certes, elles pourront théoriquement subsister en vertu de la décentralisation du réseau, de la possibilité technique d’avoir des plates-formes d’échange anonymes et décentralisées. Mais leur utilisation, réduite à une poignée d’individus, les marginalisera et leur valeur s’effondrera.
- Les crypto-monnaies pures et dures qui sont « transparentes » pourraient être tolérées. Les gouvernements imposeront peut-être la modification du code pour qu’elles soient, elles aussi, sujettes aux taux négatifs (les Smart Contracts ouvrent la voie à cette possibilité).
- Les jetons utilisés en circuit fermé verront leur existence être validée sous certaines conditions déterminées par une législation spécifique.
En conclusion
L’écosystème qui est en train de se développer grâce aux registres distribués pourrait révolutionner le monde comme Internet l’a fait depuis sa création. Le secteur de la FinTech migre petit à petit vers la chaîne de bloc. Les autorités de ce monde se tireraient une balle dans le pied en bannissant le complexe de façon aveugle. Les crypto-monnaies devront néanmoins montrer patte blanche afin d’être alignées avec les objectifs des gouvernements, à savoir la lutte contre l’évasion fiscale et le besoin de garder un contrôle sur l’argent des citoyens.