Facebook a terminé hier deux jours d’audition devant le Congrès US, où David Marcus a dû répondre à de nombreuses critiques et inquiétudes au sujet de la crypto-monnaie Libra que prépare le réseau social.
Cela n’a d’ailleurs pas manqué de peser sur le Bitcoin, qui reste bloqué sous le seuil clé de 10.000$.
Les législateurs américains ont donc fait pression à plusieurs reprises sur le principal responsable du projet au sein de Facebook pour arrêter le développement de la crypto-monnaie Libra.
David Marcus, PDG de Calibra, la filiale de Facebook qui gèrera le Libra, a réitéré sa promesse que la crypto-monnaie ne serait pas lancée tant que les préoccupations des régulateurs n’auraient pas été pleinement prises en compte.
Facebook refuse de geler le développement du Libra
Mais il s’est bien gardé de s’engager à geler le travail technique sur le projet, au grand regret des membres du Comité des services financiers de la Chambre des Représentants.
La présidente du comité, la représentante Maxine Waters, avait déjà demandé un moratoire, et c’est l’une des premières choses qu’elle a soulevées lors de l’audience, demandant à la direction de Facebook :
“Cesserez-vous de contourner cette question et vous engagerez-vous ici, au sein de ce comité… à un moratoire jusqu’à ce que le Congrès adopte un cadre juridique approprié pour garantir que le Libra et Calibra fassent ce que vous prétendez qu’elles feront ?”
Marcus a répondu avec à peu près la même réponse qu’il utilise depuis des semaines :
“Je suis d’accord avec vous pour dire qu’il faut l’analyser et le comprendre avant qu’il puisse être lancé… et c’est mon engagement envers vous. Nous prendrons le temps de bien faire les choses “, a-t-il dit.
La représentante Carolyn Maloney a ensuite demandé à Marcus s’il pouvait au moins promettre de faire un petit test pilote du Libra, impliquant un million d’utilisateurs au maximum et supervisé par la Réserve fédérale et la Securities and Exchange Commission (SEC), avant le lancement complet de la monnaie.
Encore une fois, il a botté en touche, se contentant d’affirmer qu’il s’engage à travailler avec les organismes de réglementation.
Le Libra “plus dangereux que le 11 septembre”?
Comme lors de l’audience de la veille du Comité sénatorial des banques, le panel de questions de mercredi était très varié, les législateurs ayant interrogé Marcus sur des sujets allant du blanchiment d’argent à la stabilité financière en passant par la question de savoir si le Libra devrait être réglementée comme un fonds négocié en bourse (ETF) ou une banque.
Brad Sherman, peut-être le critique le plus véhément au Congrès, a suggéré que le Libra était plus dangereux pour l’Amérique que le 11 septembre.
Les Républicains du groupe étaient moins hostiles mais ont néanmoins soulevé des problèmes pointus.
Le représentant Sean Duffy, par exemple, a félicité Marcus pour l’innovation de Facebook, mais a demandé si le Libra interdirait aux orateurs controversés comme Milo Yiannopoulos ou Louis Farrakhan d’utiliser la plateforme, comme l’a fait Facebook dans son réseau social phare.
“Personnellement, je crois que nous ne devrions pas nous contenter de dire aux gens ce qu’ils peuvent faire avec leur argent “, a répondu Marcus, ajoutant que de telles politiques relèveraient du conseil d’administration du consortium de la Libra Association.
Ocasio-Cortez pèse dans la balance
Alexandria Ocasio-Cortez, la jeune législatrice connue pour son sens des médias sociaux et ses positions économiques socialistes, a apporté un peu d’histoire monétaire dans la discussion.
Elle a suggéré que le Libra serait une version numérique des certificats, un type d’argent privé que les sociétés utilisaient autrefois pour payer leurs employés. (Les mineurs de charbon et les bûcherons, par exemple, étaient payés sous forme de certificats qu’ils pouvaient utiliser pour acheter des marchandises au magasin de l’entreprise.)
David Marcus, ancien président de PayPal, a dit qu’il n’était pas familier avec ce terme.
Ocasio-Cortez s’est également interrogée sur la gouvernance de cette future monnaie mondiale. “Les membres de l’association ont-ils été élus démocratiquement ? Qui les a choisis ? A-t-elle demandé à Marcus.
Il a répondu que l’adhésion est ouverte, sous réserve de certaines conditions.
“Nous discutons donc d’une monnaie gouvernée par des sociétés privées “, a donc conclu Ocasio-Cortez. “Croyez-vous que la monnaie est un bien public ? Croyez-vous que le Libra devrait être un bien public ?”
Marcus a répondu que “ce n’est pas à moi de décider.”
Composition du panier de devises sur lequel repose le Libra
Marcus a également fourni plus de détails sur la composition du panier de devises fiat qui servirait de sous-jacent au Libra.
Il a rassuré les législateurs (dont certains craignaient que le Libra fasse chuter la domination financière des États-Unis) que la réserve serait à 50% composée de Dollars américains, aux côté d’Euros, de Livres sterling et de Yens japonais.
Après le témoignage de Marcus, des témoins experts, dont l’ancien président de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), Gary Gensler, ont partagé leurs points de vue avec les législateurs.
Tous étaient sceptiques à l’égard du projet.
Les cinq experts présents ont en effet levé la main quand la représentante Nydia Margarita Velázquez Serrano a demandé qui était d’accord pour que Facebook ne lance pas Libra jusqu’à ce que tous les problèmes soient résolus.
Comme prévu, Gensler a fait valoir que le Libra est une valeur mobilière et devrait être réglementée comme telle.
Le seul spécialiste des crypto-monaies du panel d’experts, Meltem Demirors, Chief Strategy Officer de CoinShares, a tenu à insister sur la différence entre le bitcoin et Libra.
Alors que la première est décentralisée, la seconde est ” très centralisée “, a-t-elle fait remarquer ; alors que bitcoin lui-même est un actifs (bien que numérique), le Libra est soutenu par d’autres actifs ; et alors que n’importe qui peut télécharger le logiciel bitcoin et gérer un noeud, l’Association Libra est, pour l’instant, un club exclusif.
Faut-il s’attendre à ce que le lancement du Libra soit retardé?
Pour résumer, le Congrès US a littéralement passé David Marcus, le Libra et Facebook sur le grill, ce qui permet d’anticiper que le gouvernement US mette en place le cadre réglementaire le plus strict avant d’accepter le lancement du Libra.
Cela pourrait retarder ce lancement, actuellement prévu début 2020, à moins que le gouvernement US ne s’obstine à mettre des bâtons dans les roues de Facebook et parvienne à ce que la société abandonne le projet…
En ce qui concerne le Bitcoin, même si le lien entre le Bitcoin et le Libra semble bien ténu, il faut considérer toute nouvelle incitant à anticiper un report ou une annulation du Libra comme un facteur baissier pour le Bitcoin.