Il y a quelques jours, je tentais l’exercice presque impossible de dresser la liste des applications possibles de la chaîne de blocs, les problèmes concrets que les registres distribués peuvent régler tout en générant de nouveaux secteurs économiques pour créer de la croissance. Parmi les exemples fournis, il y avait le vote électronique. Cette nouvelle tombe donc à point : Moscou est en train de conduire des tests sur la plate-forme Ethereum afin de mettre en place un système de vote électronique décentralisé.
La capitale russe à l’avant-garde du vote électronique
La capitale de la Russie n’a pas attendu la chaîne de blocs pour se pencher sur le vote électronique. L’initiative Active Citizen fut lancée par le maire de Moscou Sergueï Sobyanin dès 2014. Il s’agit d’une plate-forme de vote électronique qui permet aux citoyens de donner leur avis sur des dossiers non politiques, par exemple le nom d’une station de métro, les limites de vitesse, etc. Depuis son lancement, plus de 3 000 sondages ont été diffusés par l’application pour faire office de consultation populaire auprès des 2 millions de Moscovites qui l’utilisent.
Cet outil de démocratie directe ouvre bien entendu la voie au vote électronique pur et dur lorsqu’il s’agit de choisir le maire de la ville et les conseillers municipaux. Cependant, des voix se sont élevées pour dénoncer le risque de manipulation des scrutins par des pirates informatiques. En effet, il est difficile de blinder ce genre d’applications. Les registres distribués et leur transparence sont la solution. Moscou l’a compris, c’est pourquoi la ville est en train de mener un projet pilote visant à basculer son système sur le réseau Ethereum.
Comme l’a déclaré Andreï Belozerov, conseiller à la mairie de Moscou : « Bien sûr, nous entendons souvent qu’il est difficile de faire confiance aux résultats du vote. C’est pourquoi nous avons décidé d’utiliser la chaîne de blocs dans le cadre du projet Active Citizen, qui doit devenir une plate-forme de confiance électronique. »
La transparence des registres distribués, une aubaine pour les initiatives citoyennes
Si vous êtes familier avec la chaîne de blocs, vous savez qu’il est très facile d’effectuer des vérifications en utilisant les explorateurs des différentes chaînes. Par exemple, sur le réseau Ethereum vous pouvez tout savoir des transactions ETH ou de jetons ERC avec des outils comme etherscan.io. Tricher est tout simplement impossible, que ce soit en termes de nombre de jetons en circulation, des transactions, etc. Tout est enregistré sur des nœuds indépendants qui sont alignés par un consensus. Ce qui garantit l’intégrité de transactions financières peut donc assurer la transparence de tout flux de données, notamment concernant le vote électronique.
Comme Belozerov le souligne, l’idée est de « mettre tous les votes sur la chaîne de blocs afin de rendre les scrutins ouverts. Tout le monde pourra ainsi vérifier le processus. »
Les autorités de la capitale russe n’ont pas pris la sécurité à la légère. Elles ont notamment engagé Price Waterhouse Cooper pour réaliser un audit du code, évaluer les risques de cyberattaques, de manipulations en interne…
Active Citizen enregistre déjà des votes via le réseau Ethereum
L’un des sondages les plus récents de l’application Active Citizen a déjà commencé à collecter des voix via le réseau Ethereum. Notamment pour récolter l’avis des habitants d’un immeuble : souhaitent-ils voir leur ancien building être détruit pour être remplacé par un nouveau, tout en sachant qu’ils devront déménager temporairement durant les travaux ?
Ces initiatives vont accélérer le développement de solutions de scalabilité
Ces systèmes sont, de par leur nature, susceptible d’engendrer un grand nombre de transactions. Et donc d’exacerber les problèmes de scalabilité rencontrés par la plupart des chaînes de blocs, encore trop lentes. Jusqu’à présent, Active Citizen a atteint un pic de 1 000 transactions par minute. Mais si l’application devait être utilisée par les 12 millions de Moscovites, sera-t-elle en mesure de gérer les volumes ?
Selon Belozerov, il s’agit du stress test idéal. D’ici la fin du mois de mars, Moscou déterminera si Ethereum est en mesure de gérer les volumes de transactions de l’application. En cas de succès, l’intégralité des votes sera gravée dans le marbre de la chaîne de blocs.
Le gouvernement fédéral russe s’intéresse aussi à la chaîne de blocs
Belozerov nous apprend également qu’il n’y a pas que Moscou qui s’intéresse à la chaîne de blocs dans le cadre de ses processus. Le ministère russe du Développement économique réfléchit à l’utilisation des registres distribués dans le cadre des certificats de propriété. Il mentionne également le cas de Doubaï, qui souhaite migrer tous les registres officiels vers la chaîne de blocs d’ici 2025.
Si l’expert russe ne nie pas les challenges de la scalabilité, l’attitude réfractaire des gouvernements est selon lui un risque plus important. En effet, pour les politiciens qui aiment parler de transparence, leur position par rapport à la chaîne de blocs permettra de déterminer quelle est réellement leur sentiment à propos de ce sujet. Mais selon Belozerov, l’optimisme reste de mise : « Je vois une très forte tendance en faveur de l’adoption de cette technologie par des pays et des entreprises, » a-t-il conclu.